Amis banquiers : la mise en garde repose plus lourdement (encore) sur vos épaules … par contre, pour l’affacturage, ça passe !
Cousine de l’obligation d’information, de vigilance et de conseil : l’obligation de mise en garde pèse aujourd’hui de tout son poids sur le banquier et les professionnels du crédit en général. Faisant des professionnels du crédit un débiteur à l’obligation de mise en garde et leur client et/ou caution le créancier de ladite obligation.
Définie en 2007 par un arrêt de principe (1) rendu par la Cour de cassation, le devoir de mise en garde impose d’alerter l’emprunteur non averti au regard de ses capacités financières du risque d’endettement né de l’octroi d’un prêt.
Dés lors, les juridictions et tout spécialement la Cour de Cassation sont venues délimiter les contours de cette obligation.
Par le passé (2) déjà, les juges du Quai de l’Horloge ont pu venir préciser le créancier de l’obligation de mise en garde. En la personne notamment du représentant légal de la personne morale et non de ses associés (et ce, même si ces derniers sont tenus solidairement des dettes sociales).
Depuis septembre dernier, les juridictions se sont intéressées à plusieurs reprises au créancier de deuxième rang concernant ce devoir de mise en garde : la caution !
Dans un premier arrêt (3) : une société souscrit une série d’engagements financiers. Le père du gérant se porte caution solidaire de ces engagements. Suite à la liquidation de la société, la caution est activée en paiement. Après avoir été condamnée en première instance, un appel est interjeté par la caution.
Si dans l’espèce, l’étendue du patrimoine de la caution ne permettait pas de caractériser une disproportion manifeste ; il n’en demeure pas moins que la caution s’était engagée alors que le compte courant de l’entreprise était en débit de plus de 30.000 €.
Dans ce contexte, les juges d’appels ont considéré que la Banque avait manifestement engagé sa responsabilité en faisant souscrire à la caution un engagement sans la mettre en garde sur le risque très sérieux de non-remboursement du débiteur principal. La Banque ayant ainsi causé un préjudice caractérisé par la perte de chance de ne pas s’engager (4).
Dès lors, le devoir de mise en garde s’appréciera dorénavant à l’aune de la disproportion des engagements mais aussi sous le sceau de la perte de chance !
Dans un second arrêt (5) : une société conclut un contrat d’affacturage. La caution est actionnée suite à la liquidation de la structure. Devant le juge, la caution soutient que la société d'affacturage a manqué à son devoir de mise en garde sur le risque d'endettement lié à l'opération. Or, l'affactureur ne maîtrisant ni le refus de paiement des clients ni le risque d'insolvabilité de ces derniers ; la conclusion d'un contrat d'affacturage ne crée pas pour le client un endettement source d’une obligation de mise en garde pour la société d’affacturage.
Rappelons à toutes fins utiles que l’entreprise qui s'adonne à titre professionnel à l'affacturage réalise une opération de crédit au sens de la loi (6). Dès lors, les professionnels du crédits (en général) et de l’affacturage (en particulier) ne sont pas à l’abris d’une évolution de la politique prétorienne sur ce fondement à l’avenir.
- Alexandre Lemaire
Sources :
1 Cass. Ch. Mixte, 29 Juin 2007
2 Cass. Civ. 3e, 19 Sept. 2019 n°18-15.398
3 CA Grenoble, 15 Sept. 2020
4 Dans notre cas, le juge avait évalué la perte de chance à 95% (!) 5 Cass. Comm., 23 Sept. 2020 n° 18-21.356 6 L. 313-1 Code Monétaire et Financier
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