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Contrecarrer la forclusion biennale de la créance

Le code de la consommation consacre en son article R. 312-35 que l’action en paiement du prêteur est soumise à une forclusion biennale (principe qui fut rappeler avec force publicité lors d’un tout récent reportage télévisuel qui fit grand bruit dans le « petit » milieu du recouvrement).



Avant de rentrer plus en avant dans le fond du sujet, je me permets de revenir ici quelque peu sur cette « enquête ». Car au-delà des cas isolés qui prêtent au débat, rappelons simplement que le recouvrement est créateur d’emplois en France (avec plus de 11 000 collaborateurs et collaboratrices dévoué(e)s au quotidien), de richesses (et, donc, d’impôts afférents, avec plus de 500 millions d’Euros de chiffres d’affaire par an) et qu’il n’est que l’expression d’un droit : celui du créancier.


Revenons en maintenant à notre sujet majeur ; à savoir, la notion d’incident de paiement non régularisé et son impact sur la forclusion biennale de créance.


Ainsi, dans la continuité directe du principe de forclusion biennale, le code de la consommation dispose que : « Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés (la solution est également valable en présence d’un délai de grâce accordé au débiteur, ou à la suite de décision adoptés/imposés en commission de surendettement).


Mais alors, que faudrait il entendre par la notion « d’incident de paiement non régularisé » ? C’est sur ce point que la Cour de cassation dans un tout récent arrêt du 6 janvier 2021 vient apporter des précisions utiles.


Dans ce cas l’espèce, courant 2008, une banque consent à un emprunteur deux prêts de 21000 € et 14000 € garantis par une assurance. Chemin faisant, en mars 2013 l’emprunteur se place sous la protection de la Banque de France et obtient une décision par laquelle la commission de surendettement impose des mesures de rétablissements échelonnées. Bien que l’emprunteur n’ait honoré aucun de ces paliers, l’assureur du prêt a, au titre de la garantie invalidité, réglé à la banque une somme représentant une certaine quote-part des mensualités. Puis, par acte du 3 août 2015, la banque prêteuse a assigné l’emprunteur en remboursement du solde des prêts, mais ce dernier lui a opposé la forclusion de l’action.


Alors que la cour d’appel d’Amiens avait déclaré recevable la demande en paiement de la banque et condamné en 2018 l’emprunteur au paiement du solde desdits prêts. Un pourvoi en cassation fut formé. Au soutien de ces prétentions, l’emprunteur arguait alors que la régularisation d’un incident de paiement ne peut résulter du paiement fait par l’assureur-emprunteur. Cependant, l’argument ne put prospérer devant les juges du quai de l’Horloge (1), qui considérèrent qu’« un paiement effectué par l’assureur, substitué à l’assuré, valant paiement de la dette de ce dernier, permettait d’écarter l’existence d’un incident de paiement non régularisé, de sorte (…) que la somme [versé par l’assureur] avait permis (…) le paiement partiel de l’échéance du mois d’août.[Faisant ainsi de] l’échéance du 30 août 2013 le premier incident de paiement non régularisé ».


Or, pour mémoire et parfaite compréhension, l’assignation en paiement de la Banque était actée au 3 août 2015 (soit 1 an, 11 mois et 4 jours après le premier incident de paiement non régularisé…). Or, comme le déclame le poète français Jules Jouy : « l’heure c’est l’heure ; avant l’heure c’est pas l’heure ; après l’heure, c’est plus l’heure ».


En définitive, contre le couperet de la forclusion biennale, tout paiement d’un assureur, d’une caution, d’un codébiteur solidaire voire d’un tiers à la dette permet de décaler d’autant le point de départ du (très court) délai de deux années. S’il est une jurisprudence consumériste qui se développe depuis prés de 20 ans au sein des deuxième et troisième chambre civile de la Cour de cassation, la première chambre semble aujourd’hui faire de la résistance. Permettant ainsi de faire primer le droit (du créancier) sur l’opportunisme (du débiteur).


- par Alexandre Lemaire

(1) Et, plus spécifiquement, les juges de la première chambre civil dans son arrêt du 6 Janvier 2021 repris in extenso ici.

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